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Aux sources mystiques de la décroissance

Elias Capriles

D’après P. Clastres (1974, 1976, 1978), les peuples primitifs ne font pas de réserves parce que pour eux le grenier de la nature est toujours plein. Selon une version rénovée de la philosophie de l’histoire qui voit l’évolution spirituelle et sociale de l’humanité comme une dégénérescence[1], les peuples primitifs eux ne subissaient pas la pauvreté existentielle (c’est à dire le manque de totalité et de plénitude qui est une conséquence de la rupture illusoire de la totalité)[2]. Cette rupture nous fait éprouver la sensation d’être coupés de la plénitude de l’univers et, dès qu’il dépasse un certain seuil, nous tentons de contrecarrer ce sentiment par l’accumulation et la consommation. La pensée de l’objection de Croissance en tant que choix d’autolimitation rejoint les traditions mystiques, taoïstes et bouddhistes, car dans l’état de Communion il apparaît que d’une part la plénitude ne dépend pas des niveaux de consommation, et d’autre part l’excès de ceux-ci a des conséquences néfastes. Certains mystiques y témoignent de leur vision de la richesse comme étant une absence du sentiment de manque inhérent à la séparation illusoire : ils nous exhortent à cesser de chercher la plénitude dans la consommation et la possession de biens, et à la trouver dans la Communion. Ce n’est donc ni la surpopulation ni l’épuisement des ressources, mais la perte de l’accès à la Communion avec la nature, qui a déclenché l’avènement de l’agriculture et de l’accumulation.

Comme il est clairement indiqué par les rédacteurs d’Entropia (2011), la pensée de la décroissance, « …comprise comme un choix d’autolimitation » … se rattache à une longue filiation à la fois réelle et fantasmée. On peut lui trouver certaines sources chez Lao Tseu, Épicure, François d’Assise, Henry David Thoreau, Léon Tolstoï, Gandhi, dans certaines « sociétés premières » ou dans la paysannerie traditionnelle, dans une bonne part du Bouddhisme, chez les Amish ou les Luddites, dans le socialisme utopique, les mouvements libertaires et anarchistes…

En ce qui concerne les sociétés primitives, les travaux de Pierre Clastres (op. cit.), Marshall Sahlins (1976) et nombre d’autres savants de sensibilité anarchiste, sont convaincants. La vision traditionnelle dégénérative de l’évolution spirituelle et sociale de notre espèce a été validée dans les dernières décennies par un vaste corpus de recherches empiriques et aucune recherche approfondie ne l’a contestée[3]. On pourrait avancer que, dans la quasi-totalité de notre existence en tant qu’espèce, on a eu libre accès à l’état que j’appelle « de Communion ». Dans cet état de Communion l’univers est ressenti comme un tout indivisible et vivant, et n’est pas vécu comme une entité distincte. C’est peu avant la transition vers le néolithique que nous avons perdu ce libre accès et ce n’est qu’à cette époque que nous avons commencé à ressentir le manque de ce continuum énergétique, sans vide, qu’est la plénitude de l’univers dont nous faisons partie.

L’apparition de l’agriculture, qui, comme l’a montré Jacques Cauvin (1987, 1998) est le résultat d’une mutation psychologique – et non pas, comme des chercheurs précédents l’ont soutenu, celui de contraintes environnementales – est une indication de la perte généralisée de l’accès à l’état de Communion. En effet, comme l’indique Cauvin, c’est rapidement après l’avènement des divinités que l’agriculture apparaît, dans un environnement sans surpopulation où les ressources utiles pour la chasse, pour la pêche ou pour la cueillette ne sont pas épuisées. (En dehors de la faible espérance moyenne de vie qu’on leur attribue, il a été démontré que les peuples « primitifs » possédaient des méthodes de contraception très efficaces ; cf. Capriles chez l’éditeur).

Quelle est la relation entre l’apparition des premières divinités et la naissance de l’agriculture ? Elles auraient étés conçues quand l’humanité, ayant perdu l’accès à l’état de Communion, et donc la capacité de faire l’expérience du divin dans ce monde, projetta ce dernier sur un « au-delà ». Selon le point de vue exprimé ici, l’émergence de l’agriculture pourrait donc s’expliquer par le fait que, sans plus d’accès à l’état de Communion il ne nous est plus possible de rester inactifs. En effet, d’une certaine manière nous rejetons l’absence de changement et faisons l’expérience de l’inconfort qui découle de ce rejet[4], donnant ainsi naissance à la notion et à l’expérience de l’ennui. Comme l’a montré Blaise Pascal (1978), afin de s’évader de l’ennui les humains sont prêts à effectuer les tâches les plus pénibles, dangereuses et difficiles.

Walter Weisskopf (1971, p. 74) écrit que « les dimensions essentielles de la pénurie dans la vie humaine ne sont pas économiques, mais existentielles ». En fait, la vraie richesse et la vraie surabondance consistent en ce qu’on pourrait appeler « la richesse existentielle », qui est absolue dans l’état de Communion. Dans cet état l’illusion d’un sujet mental qui n’occupe aucun espace – lequel correspond à l’âme chrétienne ou la res cogitans cartésienne – et qui semble se trouver à distance du continuum d’énergie qu’est l’univers n’existe plus. De ce fait il n’y a pas de rupture de la Totalité – générant un sentiment de manque de totalité -, ni d’illusion de séparation par rapport au continuum de plénitude qu’est l’univers – faisant ressentir un manque de plénitude -. Cette illusion n’est que relative dans l’état de postcommunion, car si elle se manifeste bien, elle y perd cependant peu à peu de sa force.

Mon postulat de travail est que pour que la décroissance soit possible il faut récupérer l’accès à l’état de Communion. Lui seul pourrait dissoudre le manque de complétude qui émane de la rupture illusoire de la Totalité ainsi que la carence de plénitude du continuum d’énergie qui naît du sentiment de séparation d’avec celle-ci. Cet accès, perdu pour la majorité de notre espèce peu avant la néolithisation, peut à présent être récupéré grâce à la réduction à l’absurde empirique de l’erreur humaine essentielle (l’avidyā du Bouddhisme ou la lethe [λήθη] d’Héraclite), qui nous fait faire l’expérience du continuum qui est l’univers, comme un amas d’étants[5] intrinsèquement séparés. Cette erreur s’est développée graduellement au cours de notre évolution et c’est l’actuelle crise écologique, dont elle est la cause ultime, qui en a révélé l’absurdité. Celle-ci, produite par le développement de la science et de la technologie, elles-mêmes présentées comme destinées à produire un éden, nous a menés au bord de notre destruction.[6]

Ce n’est donc pas une pure coïncidence si les individus et les systèmes mystiques qui, d’après les éditeurs d’Entropia, ont été des prédécesseurs de la pensée d’objection de croissance, sont précisément ceux qui se concentrent sur le rétablissement de la Communion (dans laquelle l’erreur en question se dissout). Parmi ces systèmes, ceux qui m’intéressent sont surtout ceux qui ne font pas le postulat de l’existence de(s) Dieu(x) ; ce sont aussi ceux qui transmettent les méthodes qui, dans mon expérience, se sont révélées comme les plus efficaces.

En tout cas, c’est surtout la révolution de la psyché qui permettrait la transition vers ce que dans des travaux récents j’ai appelé l’écommunisme. En effet, comme il est suggéré ci-dessus, l’accès répété de la majorité d’entre nous à l’état de Communion éradiquerait progressivement la séparation illusoire qui est à l’origine du vide intérieur que, sans succès, nous tentons de combler par l’accumulation et la consommation. Cela éradiquerait aussi les relations verticales de domination et de possession qui reproduisent celles exprimées dans les premières œuvres plastiques représentant humains et divinités[7]. C’est ce type de relations qui nous conduit à essayer de « dominer la nature » et l’exploiter, à opprimer et exploiter d’autres êtres humains, et qui fait que certains États aspirent à en dominer d’autres, étant prêts à cette fin à commettre des génocides et provoquer des désastres écologiques. C’est l’élimination progressive de la rupture illusoire de la Totalité, et par conséquent de l’illusion de séparation, qui nous permettrait de récupérer graduellement la plénitude, rendant ainsi de plus en plus satisfaisants des niveaux de consommation qui seraient écologiquement soutenables. En outre, tant que nous ne serons pas établis de manière inaltérable dans l’état de Communion, les pratiques utilisées par le Taoïsme, le Tantra et le Dzogchen afin d’induire des expériences vécues de plaisir total, peuvent déjà nous procurer une plénitude, une joie et un contentement qui, sans elles, resteraient actuellement inaccessibles.

Enfin, dans la mesure où des accès répétés à l’état de Communion mettent graduellement un terme à l’illusion d’un soi séparé qui agisse, ils restaurent le libre flux de la spontanéité de notre vraie nature. Puisque dans cet état il est évident que l’univers entier est notre corps, et puisque, sans plus d’illusion de l’ego, l’égoïsme ne peut prévaloir, l’état en question contribue naturellement au bénéfice de tous sans distinctions.

Nous avons ici la clef de la transition vers l’écommunisme sur cette planète grièvement blessée, densément peuplée et dont les ressources se raréfient, où il n’est plus viable de polluer ni de détruire à la manière du siècle dernier. En effet, cette transition ne dépend pas de l’accroissement des niveaux de production, tel que proposé par Marx et Engels dans leur postulat de transition vers le communisme, mais d’une réduction et redistribution de la production sur le plan mondial. Alors que les modes de production se sont radicalement transformés dans ce monde, la consommation per capita d’énergie, de biens et de services pourrait être réduite de façon spectaculaire dans les pays où elle est plus élevée. Tant à l’échelle d’un pays comme à celle de la planète, il serait impératif d’égaliser graduellement la consommation per capita – ce qui impliquerait l’élimination progressive des faux besoins que les médias au service du capital et l’ostentation des puissants nous ont imposés – mettant ainsi fin à la société de consommation.

Pour parvenir à cela, nous devrions tous être disposés à l’impulser, non pas avec résignation, mais avec enthousiasme. La faisabilité dépend donc de la restauration de l’accès à la Communion qui éradiquerait notre sens aigu du manque. Et, si à cette fin nous appliquons les méthodes du Tantrisme, du Taoïsme, du Dzogchen, etc., décrites ci-dessus – qui induisent une longue expérience de plaisir total – nous pourrons donc alterner entre la plénitude absolue inhérente à la Communion et une post-Communion dans laquelle l’incomplétude diminuerait progressivement, et par conséquent le loisir deviendrait béatitude.

En effet, la seule forme de richesse et de surabondance qui pourrait rendre possible le principe distributif, que tant Marx comme Pierre Kropotkine attribuent à l’avenir communiste, serait celle que Pierre Clastres (op. cit.), Marshall Sahlins (op. cit.) et d’autres anthropologues et spécialistes de l’économie de l’Âge de Pierre ont associée au communisme primitif. Ce qui nous ramène aux enseignements bouddhistes, taoïstes et à leurs dérivés, qui depuis les temps anciens ont dit que la richesse ne dépend pas du niveau de consommation.

Interrogé par l’Empereur de Chine sur le nom de l’homme le plus riche du Tibet, le lama bouddhiste tibétain Sakya Pandita – afin de briser les schémas mentaux tout en restant fidèle à la réalité – a répondu en donnant le nom d’un yogi qui vivait nu dans une grotte dans la montagne et dont la seule possession était un petit sac de farine d’orge grillée[8]. Il a expliqué que, ayant surmonté le sentiment de séparation, le yogi (était) la Totalité / la plénitude du continuum universel, ce qui pourrait être considéré comme la valeur absolue.

C’est parce que le Gourou Chöwang – un autre grand maître tibétain – se trouvait dans cette même condition, qu’il jeta dans le vent au dessus d’une rivière la poussière d’or reçue d’un étudiant comme paiement pour ses enseignements, en s’écriant : « Pourquoi voudrais-je cet or, si le monde entier est or pour moi ? »[9].

Pour sa part, le grand maître bouddhiste du Tantra et du Dzogchen Padmasambhava d’Oḍḍiyāna dit : « L’être humain n’est pas satisfait par l’abondance de nourriture, mais par l’absence (du sentiment de privation et par conséquent), de désir et de convoitise »[10].

Dans la transition du huitième au neuvième siècle, le roi du Tibet, Moune Tsenpo (mu ne btsan po), à trois reprises consécutives a essayé d’appliquer les principes sociaux, économiques et politiques qu’il avait reçus de ses maîtres bouddhistes en nivelant la richesse matérielle des Tibétains, mais la noblesse a contrecarré ses efforts et a finalement obtenu que sa propre mère, la reine Tsepongza (ts’e spong bza), l’empoisonne[11].

Cependant, dans le pays de l’Himalaya connu en France comme le Bhoutan, la révolution menée par un descendant du grand maître de Dzogchen Pema Lingpa (pad ma gling pa) a atteint son objectif : avec la réalisation de la réforme agraire qui a mis fin à la féodalité monastique les descendants du nouveau roi ont réussi à appliquer les principes du bouddhisme tantrique et du Dzogchen. Ils ont limité la propriété foncière à trente acres, mis en œuvre une politique de conservation de l’environnement, veillé à ce que l’importante richesse agricole du pays soit répartie afin que tous aient de bons vêtements, un logement et que le roi ne puisse pas se distinguer du plus humble de ses sujets (même s’il reste encore au moins une injustice[12]). Comme le troc y est la principale forme d’échange, l’argent est peu utilisé, et puisque rares sont les bhoutanais qui gagnent des devises et que l’agriculture est essentiellement destinée à la subsistance, la somme des opérations monétaires reste très faible. Si on divise cette somme par le nombre d’habitants du pays le quotient est dérisoire, ce qui fait qu’en termes de PNB per capita ce pays est l’un des deux pays les plus pauvres au monde. Toutefois les autorités ne se sont pas laissées dissuader ou conditionner par ces calculs et, au lieu de développer la pauvreté existentielle et de suivre l’Occident dans sa course vers l’abîme, elles proposent de remplacer la notion de PNB par celle de « bonheur national brut ».

En ce qui concerne le taoïsme, Lǎozǐ (Lao Tseu) a écrit dans le Dàodéjīng (道德经 : Tao-te-ching, adaptation de l’auteur de diverses traductions) :

« Les talents ne devraient pas être estimés, de sorte qu’il n’y ait pas de concurrence entre les gens. Les articles coûteux ne devraient pas être trop valorisés, pour que les gens ne deviennent pas des voleurs. Les objets de convoitise et les situations enviables ne devraient pas être montrés, car cela agiterait les cœurs. »

« Ainsi donc, le saint vide les cœurs (de l’agitation inhérente à l’erreur qui est la racine de l’envie, de l’avidité et de toutes les passions), remplit le ventre, affaiblit les désirs et renforce les os. »

 

Et aussi :

« Si nous écartons l’effort, l’artifice, le luxe et le profit
le gaspillage et le vol disparaîtront.
[Ceci ne peut être atteint que grâce au]
dévoilement de ce qui est simple, naturel et inaltéré
et l’étreinte du tronc non tronçonné (pǔ o pú []) [de notre condition originelle]. »

 

Dans la même veine, le traité taoïste connu sous le nom Huáinánzǐ (淮南子) transmet la série suivante d’aphorismes et d’avertissements (Cleary, 1990) :

« Il existe quelque chose d’importance capitale dans ce monde, mais ce n’est pas le pouvoir ou le « statut ». Il y a une immense fortune, mais ce n’est pas de l’or ni des bijoux. Il y a une vie pleine, mais elle ne se mesure pas en années.
Quand tu observes l’origine de l’esprit et que tu reviens à sa nature essentielle, c’est ce qui compte. Lorsque tu te sens à l’aise avec tes sentiments, tu es riche. Quand tu comprends la division entre la vie et la mort, alors ta vie est complète…

Une nation désordonnée semble pleine, une nation ordonnée semble vide. Une nation moribonde éprouve la pénurie, une nation qui survit jouit de surabondance. (Que la nation semble être) vide ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des gens, mais que ces derniers ont leur tâche à faire ; (qu’elle semble être pleine) ne veut pas dire qu’il y ait beaucoup de gens, mais que tous poursuivent des trivialités. Jouir de Surabondance ne signifie pas avoir de nombreux biens, mais que les désirs sont modérés et les affaires minimes. La pénurie ne signifie pas qu’il n’y ait pas de produits, mais que les gens sont impulsifs et leurs dépenses excessives…

Le bois de chauffage n’est pas vendu dans les forêts et les poissons ne sont pas vendus près d’un lac, car ils y abondent. De même, lorsque il y a plénitude, le désir diminue, et quand les appétits sont minimes les discussions prennent fin…
Plutôt qu’interdire l’ambition, il faut qu’il n’y ait rien à désirer ; mieux qu’interdire les disputes, c’est qu’il n’y ait rien à usurper.

La vision de la richesse présentée ici n’est pas l’apanage des mystiques bouddhistes et taoïstes. Le philosophe et mystique catholique Meister Eckhart (Zum Brunn et de Libera, 1984, p. 64, n. 60), a quant à lui déclaré que l’élan qui lui permettait de pénétrer l’absolu le rendait si riche que Dieu n’était pas assez pour lui. Et François d’Assise – comme de tout temps bien d’autres mystiques chrétiens ou d’autres religions – s’est tenu à l’écart du luxe, de la consommation et d’une vie confortable, en gardant un niveau de consommation plus frugal.

 

Pour résumer le sens de cet article, il faut rendre possible la matérialisation de l’idéal de décroissance et, en même temps, celle de l’élimination des relations verticales qui sont à l’origine de l’oppression et de l’exploitation des êtres humains et du reste de l’écosphère. Et la façon d’y réussir est d’appliquer les moyens de transformation de la conscience transmis par les systèmes mystiques ci-dessus évoqués comme étant « précurseurs de la pensée de la décroissance comprise comme un choix d’autolimitation ».

 

Je remercie de tout cœur Mme la Professeure Yannick de la Fuente pour avoir été ma co-traductrice dans la première version française, Mme Béatrice Thibault pour avoir rendu le texte plus compréhensible dans la version finale, et M. Le Professeur Serge Latouche pour ses corrections du français technique.

RÉFÉRENCES

Note : Les œuvres d’Elias Capriles, sont disponibles gratuitement sur son site Web à http://www.webdelprofesor.ula.ve/humanidades/elicap/ (à l’exception de la première cité ci-dessous)

 

Capriles E. (1986). Qué somos y adónde vamos. Caracas: Unidad de Extensión de la Facultad de Humanidades y Educación de la Universidad Central de Venezuela.

Capriles E. (1994). Individuo, sociedad, ecosistema: Ensayos sobre filosofía, política y mística. Mérida: Consejo de Publicaciones de la Universidad de Los Andes.

Capriles E. (2000a). Budismo y dzogchén. Vitoria, Espagne: Ediciones La Llave.

Capriles E. (2007a). Beyond mind, beyond being, beyond history: A Dzogchen-founded metatranspersonal, metapostmodern philosophy and psychology for survival and an age of Communion. Vol. I: Beyond being. Vol. II: Beyond mind. Vol. III: Beyond history. Texte provisionnel encore à travailler ; dans la page Web de l’auteur.

Capriles E. (2009). Una tesis sobre el origen y los desarrollos del daoísmo a la luz de antiguos textos del Bön tibetano. Mérida, Venezuela: Humania del Sur, 4(7), pp. 113-136. Disponible sur internet : http://www.saber.ula.ve/handle/123456789/30224

Capriles E. (chez l’éditeur). Alienación, crisis ecológica y regeneración. Esencia, desarrollo y modos de la alienación y erradicación de ésta en el ecomunismo.

Cauvin J. (1987). L’apparition des premières divinités. La Recherche, 195, 1472-1481.

Cauvin J. (1998). Naissance des divinités, naissance de l’agriculture. Paris : Flammarion.

Clastres P. (1974). La société contre l’État. Paris : Minuit.

Clastres P. (1976). Préface à la traduction française. In Sahlins (1976).

Clastres P. (1978). Les marxistes et leur anthropologie. Paris : Libre.

Cleary T. (1990). The Tao of Politics. Boston (MA, USA) et Londres : Shambhala Publications.

Dale, T. & C., Vernon G. (1955). Topsoil and civilization. Oklahoma (OK, USA): University of Oklahoma Press.

Daniélou A. (1979). Shive et Dionysos. La religion de la nature et de l’Éros, de la préhistoire à l’avenir. Paris : Éditions Arthème Fayard.

Dargyay E. M. (1998). The rise of esoteric Buddhism in Tibet. Delhi: Motilal Banarsidass. (Original 1977; 2ème éd. corrigée 1979.)

DeMeo J. (1998). Saharasia. Ashland (OR, USA): Natural Energy Works.

Descola P. (1986). La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l’écologie des Achuar. Paris : Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.

Descola P. (1996). Les cosmologies des indiens d’Amazonie. Comme pour leurs frères du nord, la nature est une construction sociale. Paris : La Recherche, 292, novembre 1996, 62-7.

Dudjom Rinpoche, J. Y. D. (1991). The Nyingma school of Tibetan Buddhism (trad. G. Dorje et M. Kapstein). Boston (MA, USA) : Wisdom Publications.

Lochouarn M. (1993). De quoi mouraient les hommes primitifs. Paris : Sciences et Avenir, 553, 44-47.

Pascal B. (1978). Pensées. Paris : Points Seuil.

Rédacteurs d’Entropia (2011). Avant-propos. Paris : Entropia, 10, Mai 2011. Internet : http://www.entropia-la-revue.org/

Sahlins M. (1976). Âge de pierre, âge d’abondance. Économie des sociétés primitives (préface de Pierre Clastres). Paris : NRF Gallimard.

Taylor S. (2003). Primal spirituality and the onto/philo fallacy: A critique of the claim that primal peoples were/are less spiritually and socially developed than modern humans. San Francisco (CA, USA): International Journal of Transpersonal Studies, 22, pp. 61-76.

Taylor S. (2005). The fall: The evidence for a golden age, 6,000 years of insanity, and the dawning of a new era. Winchester (UK) et New York (NY, USA) : O Books (The Bothy, John Hunt Publishing Ltd.)

Tsogyal Y. (1979). Le Grand Guru Padmasambhava. Histoire de ses existences (Padma Than Ying (trad. G.-C. Toussaint). Paris : Michel Allard, Éditions Orientales.

Van der Dennen J. M. G. (1995). The origin of war: The evolution of a male-coalitional reproductive strategy. Groningen (Hollande): Origin Press.

Zum Brunn É. et de Libera A. (1984). Maître Eckhart. Métaphysique du verbe et théologie négative. Paris : Beauchesne Éditeur.

Weisskopf W. (1971). Alienation and economics. New York (NY, USA): Dutton.

 

[1] Si on voit l’évolution spirituelle et sociale humaine comme une dégénérescence, alors l’humanité première se trouvait dans un état de perfection spirituelle (car l’état que j’appelle « de Communion » était accessible très facilement et donc son influence était prédominante) et sociale (car la sagesse prédominait et, puisque l’illusion de séparation égoïque ne s’était pas encore développée, l’égoïsme était inconnu). Mais, avec le passage du temps, il est devenu de plus en plus difficile d’accéder à l’état de Communion, et l’illusion de l’égo, avec l’égoïsme qui lui est inhérent, s’est développée de plus en plus.

Cette vision a été transmise par des traditions spirituelles dérivées du Dzogchen enseigné par le maître du Bön, Shenrab Miwoche, aux alentours du Mont Kailāśā dans l’ancien Zhang-zhung (aujourd’hui Tibet occidental) : le Bön du Tibet, la religion Śaiva de l’Inde (et, à travers celle-ci, une bonne partie des religions et de la culture de ce pays – le code de Manu présentant une distorsion castéiste), le Zurvanisme de la Perse, le Taoïsme de la Chine (Capriles, 2009), le Dionysisme de la Grèce (Daniélou, 1979), etc.

Selon la version que j’estime originelle, et qui nous est arrivée à travers le Bön Tibétain, le Tantrisme Indien et le Stoïcisme Grec (qui l’aurait reçu d’Héraclite à travers Crates le Cynique), dans l’Âge Primordial le lógos (λόγος) régnait totalement, et donc les êtres humains, n’étant divisés ni par des frontières nationales ni par des distinctions de classe, richesse ou lignée, étaient tous libres et égaux entre eux. La propriété privée était inconnue, comme l’étaient aussi la famille individuelle, l’esclavage, et l’État dans lequel un petit groupe a le pouvoir, régnant sur les autres êtres humains. Tous les humains jouissaient et profitaient en commun des biens de la nature, le sens de la possession leur était inconnu et ils vivaient comme de vrais frères, abandonnés au flux naturel du lógos – et donc libres de tout type de gouvernement et de tout contrôle dualiste.

Cette vision aurait été réintroduite en Grèce par Hésiode dans la version qui se réfère à l’ère primordiale comme Âge d’Or, à la période suivante comme Âge d’Argent, a l’ère suivante comme Âge de Bronze, et à la période finale comme Âge de Fer (chaque métal étant moins noble que le précédent). En Inde, au Tibet et dans les pays qui ont reçu cette tradition directement de ces régions, les Âges en question ont étés appelés Âge de Perfection (Skt. ktayuga; Tib. rdzogs-ldan) ou Âge de la Vérité (Skt. satyayuga; Tib. bdenldan), Âge de Trois (Skt. tretāyuga; Tib. gsum-ldan), Âge de Deux (dvāparayuga; Tib. gnyis-ldan), et Âge Noir, Âge d’Obscurité ou Âge de Dégénérescence (kaliyuga; Tib. rtsod-ldan) – ces noms étant dérivés des valeurs des dés indiens à quatre faces. En Chine, les Taoïstes ont parlé d’un nombre plus grand de périodes, en mentionnant les personnages les plus importants de chaque Âge.

[2] Exposée dans mes différents ouvrages (Capriles, 1986, 1994, 2007 Vol III, non encore publié).

[3] Les ouvrages de M. Lochouarn (1993), J. M. G. van der Dennen (1995), J. DeMeo (1998 ; son travail a des zones d’ombre) — résumés par Taylor (2003, 2005) et Capriles (à l’évaluation) — suggèrent fortement que, avant 4500 avant notre ère (ANE), il n’y avait pas de violence de masse (guerres, etc.) sauf dans certaines parties de la vallée du Nil et de l’Australie à partir de 12000 ANE, et ils semblent même suggérer que la violence individuelle y était rare ou inconnue.

Pour sa part, P. Descola (1996, 1986) a montré que c’est dans les régions d’Amazonie qui sont habitées depuis le plus longtemps qu’il y a la plus grande biodiversité, et il a suggéré la même chose pour les régions autochtones de l’Amérique du Nord, montrant ainsi que l’intervention humaine dans l’environnement a amélioré la diversité – et ce malgré le fait qu’à partir d’un certain moment les hommes du Paléolithique ont pu produire des catastrophes écologiques -. De leur côté T. Dale et V. G. Carter (1955) ont montré comment la grande majorité des civilisations se sont détruites par le mauvais usage qu’elles faisaient de l’environnement.

[4] Si vous soutenez la plus agréable des sensations sans interruption pendant assez longtemps, à moment donné le sujet la rejettera, et dès lors elle deviendra une insupportable torture. En revanche, le masochiste pourra éprouver de la douleur comme si c’était un plaisir parce que, en raison de conditionnements, il a appris à l’accepter. Voir Capriles (2000, chez l’éditeur, et divers autres ouvrages.)

[5] Terme philosophique qui se réfère aux phénomènes qui sont « en train d’être » et qui apparaissent comme objets. La plupart des philosophes Chrétiens , tout comme le reste des humains qui, possédés par l’erreur, en font l’expérience, les ont considérés comme des substances – et, jusqu’à Heidegger, se sont référés à ces phénomènes comme existants.

[6] C’est par les relations entre les deux hémisphères cérébraux que j’ai expliqué le développement de l’erreur au cours de notre évolution spirituelle et sociale, et l’impossibilité de l’éradiquer avant la complétion de cette réduction à l’absurde (Capriles, 2004, 2007a Vol. III, chez l’éditeur, etc.),

[7] Selon Cauvin (op. cit.), dans les œuvres d’art mentionnées, les divinités apparaissent en haut et les humains en bas avec les bras tendus vers elles dans une attitude suppliante.

[8] Thinle Norbu Rinpoché et d’autres maîtres, communication personnelle

[9] Voir Dargyay, réédition 1998, p. 115 ; version abrégée de l’incident dans Dudjom Rinpoché, 1991, p. 768.

[10] Adaptation du texte cité dans Tsogyal, 1979.

[11] Les rois tibétains héritaient les épouses de leurs pères. Il est généralement admis que la reine mère, qui était la seule de ses femmes avec qui il ne pouvait pas avoir des relations érotiques, était jalouse de sa belle épouse Phoyongsa. Toutefois, la version alternative d’un crime à motivation politique est beaucoup plus plausible.

[12] Par exemple, le fait que les citoyens d’origine népalaise n’ont pas les mêmes valeurs ni la même culture que les bhoutanais ethniques – qui célèbrent les politiques écologiques et égalitaires du gouvernement – a conduit à ce que les premiers soient perçus comme une menace pour ce pays et que l’on élabore des politiques discriminatoires à leur encontre. En l’absence de cette discrimination et des problèmes associés, le Bhoutan serait un vrai Shangri-la.

 

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